Pure bonté de l'âme, douce illusion qui brûle l'esprit et tendre mélange de contrastes. Sur le papier blanc se dessinent des formes, des animaux, des objets. Chaque trait est dessiné rapidement, puis gommé, amélioré. La mine laisse une trace fine, s'éclaircissant ou s'obscurcissant selon comment est appuyé le crayon sur la feuille. Tu prends une inspiration, passe langoureusement ta langue sur tes lèvres et tes yeux fixent la feuille comme si elle pouvait avoir un couteau sous sa gorge. Ton couteau. Un sourire se dépose sur tes fines lèvres, et tu termines l'ébauche de ton dessin. Tes mains attrapent les crayons de couleur, tandis que tu observes ton oeuvre pendant plusieurs secondes, cherchant à savoir si tu en es fière, si tu le trouves réussi. Tu gommes quelques traits et commence à mettre de la couleur, appliquée à ta tâche. Les minutes passent, de même que les heures. Tu perds la notion du temps, il te semble s'évaporer peu à peu, sans que tu aies le moindre contrôle. Tu ne supportes pourtant pas ça. Il faut que tu maîtrises la situation pour te sentir bien, toi-même, presque. Soudain, c'est comme si tes cheveux s'étaient hérissés et que tu feulais comme un chat. Ta tension augmente, ton sang coagule et tu te retiens de hurler. Mais ce n'est pas contre un autre, contrairement à tes habitudes, que tu en as. Non, tu es furieuse contre toi-même. Comment as-tu pu oublier ce concours, bordel ?

Le plus rapidement possible, tu prépares quelques affaires, t'habille simplement. Après un, encore rapide, brin de toilette, tu décides d'y aller en courant, encore haineuse contre ton oubli. Tu cours, tu cours sans t'arrêter, ton carnet de dessins à la main, l'adresse ancrée dans ton esprit qui divague, encore et encore. Tu cours après une souris invisible, qui ne meurt jamais et qui se regénère à chaque fois que tu crois l'avoir emprisonnée entre tes griffes. Et, finalement, tu finis par arriver devant la salle des fêtes, essouflée. Tu te recoiffes rapidement, redevient la jeune fille haineuse que tu aimes tant être et pénètre dans le vieux bâtiment qui tient debout on ne sait comment. Il y a déjà foule, et tu mets plusieurs secondes à l'observer, l'embrassant délicieusement du regard, cherchant ta proie pour après, quand tu auras faim. Tu aperçois un buffet, mais ne t'en approche pas. C'est plutôt vers l'estrade que tu te diriges, que tu entres par une petite porte et débarque dans les coulisses, où une ambiance beaucoup moins calme et zen est en train de se mettre en place. Des cris fusent, tout le monde cherche ce qu'il a perdu, tout le monde stresse avant de recevoir les résultats. Tu avances, doucement, ton carnet de dessins à la main, un sourire malicieux et charognard sur le visage, tes yeux perçants miroitants et l'une de tes meilleures armes sortie : ton charme.

C'est alors que tu la bouscules. D'abord, la surprise. Tu la regardes, presque sans comprendre, tu observes chaque partie de son visage, de son corps. Elle a des cheveux bruns, les yeux verts et un petit air naïf que tu détestes aussitôt. Que tu hais littéralement. Peut-être est-ce parce qu'elle te regarde en souriant, l'innocente, sans comprendre à qui elle parle, ni ce qu'elle vient de déclencher. Ou peut-être est-ce ce regard dédaigneux, ces petits yeux verts qui semblent choisir innocente et chasteté plutôt que rébellion et liberté. « Il y a des soldes en ce moment, sur les lunettes. Profites-en, m'est avis que tu en as bien besoin. » La guerre est déclarée, bien que ce ne soit qu'une petite dune parmi le désert que tu affiches devant elle, comprenant alors qu'elle participe au concours, tout comme toi. Un sourire apparaît sur ton visage, l'hypocrisie même dont tu es capable : que la meilleure gagne.